Pierre le Grand et le Marquis de Pombal, bâtisseurs de villes avant la Révolution française
- correio_da_historia

- 12 sept.
- 2 min de lecture

Pierre le Grand et le Marquis de Pombal semblent appartenir à des mondes différents, mais ils partagent un trait rare dans l’histoire européenne du XVIIIᵉ siècle. Tous deux voyagèrent, observèrent ce qui manquait à leurs pays et revinrent décidés à construire une ville qui fût plus qu’un simple siège de gouvernement. Pierre le Grand parcourut l’Europe à la fin du XVIIᵉ siècle, de Londres à Amsterdam, des arsenaux navals aux laboratoires scientifiques. De retour en Russie, il fonda Saint-Pétersbourg en 1703, ville née des marais de la Baltique, avec des canaux et des palais d’inspiration européenne, symbole d’une Russie moderne et d’un nouvel ordre social.
Sebastião José de Carvalho e Melo, futur Marquis de Pombal, vécut lui aussi à Londres et à Vienne et assimila des leçons de discipline administrative, de rationalisme économique et d’urbanisme moderne. Lorsque le tremblement de terre de 1755 détruisit Lisbonne, il saisit la catastrophe pour ériger une capitale à partir de rien, avec de larges rues, des places géométriques et des bâtiments standardisés. La Baixa pombaline naquit en réponse au désastre, mais également comme manifeste politique d’un pouvoir centralisé et d’une vision éclairée.
Saint-Pétersbourg et la nouvelle Lisbonne furent des villes créées avant la Révolution française selon des idées qui anticipaient l’esprit des Lumières. Pierre obligea les nobles à couper leur barbe et à adopter des manières occidentales, Pombal imposa la suprématie de l’État sur l’aristocratie et le clergé ; tous deux engendrèrent une révolution sociale qui ne se proclamait pas comme telle mais qui eut des effets profonds. Peu de lieux dans le monde avant 1789 traduisent aussi bien que ces deux villes l’ambition de transformer la société à travers l’architecture et l’espace urbain.
Pierre le Grand, en plus d’être tsar, aimait vivre comme artisan et se mêler aux ouvriers. Lors de son séjour à Amsterdam, il travailla incognito dans les chantiers navals, apprenant la menuiserie et les techniques de construction navale. C’était un homme de contrastes, capable de condamner violemment ses opposants et en même temps de s’enthousiasmer pour le détail d’un outil. Son goût pour le savoir pratique marqua la fondation même de Saint-Pétersbourg, qui accueillit dès le début des académies de sciences et des artistes venus de toute l’Europe.
Le Marquis de Pombal partageait cette curiosité appliquée. C’est lui qui fit installer à Lisbonne l’une des premières compagnies de pompiers organisées, résultat direct des leçons tirées du tremblement de terre. Il créa également le premier système d’assurances contre les incendies de la capitale et appliqua des normes de construction antisismiques qui impressionnent encore aujourd’hui. De plus, il avait un sens aigu de la propagande et savait que la reconstruction de la ville devait montrer au monde la force de l’État portugais. Pour cette raison, il fit circuler en Europe des cartes, des plans et des récits, transformant Lisbonne en vitrine de la modernité qu’il idéalisait lui-même.
Paulo Freitas do Amaral
Professeur, Historien et Auteur





Commentaires