L’homme qui a tenté de tuer Salazar. Emídio Santana et la bombe de l’Avenida Barbosa du Bocage
- correio_da_historia

- 20 sept.
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Parmi les figures marquantes de l’opposition à l’État Nouveau, se distingue le nom d’Emídio Santana, anarchiste portugais né en 1898. Très tôt impliqué dans le mouvement syndical et dans des organisations révolutionnaires, il restera dans l’Histoire comme l’auteur matériel de l’attentat le plus connu contre António de Oliveira Salazar.
L’épisode eut lieu le 4 juillet 1937, sur l’Avenida Barbosa du Bocage, à Lisbonne. Le plan consistait à lancer un engin explosif contre l’automobile du président du Conseil. L’opération échoua cependant : la bombe frappa un autre véhicule, tuant deux passants et blessant plusieurs innocents. Salazar en sortit indemne. Le résultat fut désastreux, non seulement à cause de la tragédie humaine, mais aussi parce qu’il permit au régime de renforcer la propagande autour du chef du gouvernement, présenté comme intouchable et protégé de la violence de ses ennemis.
L’engin utilisé fut fabriqué de manière artisanale, avec de la dynamite, de la poudre et un système rudimentaire d’activation chronométrée. L’intention était que l’explosion survienne au moment exact où la voiture officielle passerait, mais l’exécution s’avéra imprécise. Le lancement de l’engin depuis une voiture en mouvement, conjugué à l’expérience technique limitée des conspirateurs, scella l’échec du plan.
Un autre détail curieux concerne le choix du lieu. L’Avenida Barbosa du Bocage fut choisie parce que Salazar y passait fréquemment, sans grand dispositif de sécurité apparent. Toutefois, à l’époque, la routine du dictateur était relativement imprévisible et ses déplacements se faisaient dans des voitures ordinaires, sans blindage ni escortes ostentatoires. Ce facteur, loin de faciliter la conspiration, introduisit une marge d’erreur qui se révéla fatale pour le projet.
Après l’attentat, Emídio Santana réussit à fuir à l’étranger, circulant dans plusieurs pays européens. Cependant, en 1940, il fut arrêté par Scotland Yard à Londres, alors que le Portugal était officiellement neutre mais allié stratégique de la Grande-Bretagne. Extradé, il fut livré à la PVDE et condamné à une longue peine de prison. Il passa plus de vingt ans derrière les barreaux, d’abord à l’Aljube puis à Peniche, et ne fut libéré qu’en 1969, sous le gouvernement de Marcello Caetano.
De retour à la liberté, il assista à la fin de l’État Nouveau et à la Révolution du 25 avril 1974, vivant ses dernières années dans un relatif anonymat. Il mourut en 1982, à Lisbonne, dans un pays désormais démocratique.
La trajectoire d’Emídio Santana est indissociable de la clandestinité et de la radicalisation politique de l’époque. L’attentat de 1937 demeure un jalon dans l’histoire de la résistance violente à l’État Nouveau, rappelé autant pour son audace que pour son échec et ses conséquences immédiates. Plus que de renverser le régime, l’acte servit finalement d’argument à la machine de propagande salazariste, qui sut exploiter l’erreur pour consolider l’image du dictateur.
Paulo Freitas do Amaral
Professeur, historien et auteur





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